L’expertise comptable et l’IA
J’ai regardé en replay ce jour un webinaire organisé par un expert-comptable, une membre de l’éditeur de logiciel CEGID, et un conseiller en gestion d’entreprise, intitulé “A l’heure de l’IA, de nouvelles missions augmentées”.
Les sujets abordés
La présentation s’est déroulée en 3 parties :
Le retour d’expérience du conseiller en gestion d’entreprise, sur l’enjeu de l’accompagnement du client au-delà du simple aspect déclaratif de la comptabilité, surtout sur deux missions essentielles : L’étude prévisionnelle et la valorisation de l’entreprise
Une présentation de la part de l’expert comptable des attentes que l’on pourrait avoir de l’IA dans l’amélioration des missions de conseil, quelles facilités elle peut nous apporter dans les missions de prévisionnel et de valorisation
Le “teaser” de CEGID PULSE, qui est en fait CEGID auquel on intègre un agent conversationnel, qui serait donc capable, selon la vidéo de présentation, de modifier des écritures en temps réel sur la base d’une simple messagerie avec le comptable.
… De la poudre de perlimpinpin
Le 1er intervenant a donc parlé de la prépondérance du conseil dans le métier de la comptabilité, au travers des missions de prévisionnel et de valorisation, le 2ème a exposé des exemples d’utilisation de l’IA pour faciliter la réalisation de ces missions, et la 3ème … Elle a parlé de l’intégration de l’IA dans l’outil comptable. Il n’y avait aucun pont entre les fonctionnalités qu’elle présentait et ces missions de conseil présentées juste avant.
En comprenant les interactions des intervenants, notamment l’absence de lien entre les deux premiers intervenants et la publicité de CEGID PULSE, et surtout la confrontation de leur discours avec les questions des participants, on se rend facilement compte qu’aujourd’hui, concrètement, rien n’a encore été fait.
Les internautes ont tapé directement dans le mile en posant deux questions simples et pourtant capitales :
Quels outils utilise le conseiller de gestion d’entreprise pour réaliser ses études prévisionnelles et ses évaluations, il a botté en touche en répondant avec humour certes mais une certaine gêne aussi, que le premier outil qu’il utilisait c’était le cerveau
Comment l’IA peut fournir des données sectorielles fiables et pertinentes sans compromettre la confidentialité des comptes ? Est-ce que cela signifierait que les outils comptables exploiteraient les données qui leur sont confiées pour alimenter l’IA ?
L’intégration de l’IA dans un outil comptable : L’exemple de CEGID PULSE
La représentante de CEGID a montré une vidéo de teasing d’un cas concret d’utilisation de l’IA dans le process de production des comptes.
Dans les faits, ils ont intégré un agent conversationnel du type ChatGPT ou Copilot, qui peut répondre aux questions que se pose le comptable ou le client, et qui peut agir directement sur les écritures pour traiter les tâches. Dans la vidéo de présentation, il était question de gérer le pilotage de la trésorerie, et de prendre en compte du retard de paiement d’un client pour mettre à jour et peaufiner la projection de trésorerie. La comptable demande au bot de décaler la date d’échéance des factures impayées liées à ce client, et la projection de trésorerie est actualisée.
Conclusion
Est-ce que mes attentes étaient trop fortes ou est-ce qu’on était vraiment face à une tentative désespérée de feindre la maîtrise de l’IA et de son impact sur l’avenir de la profession ?
Pourtant, avec un tel titre et avec ces types d’intervenants, on était en droit de s’attendre à la promotion d’un outil basé sur l’IA qui permettrait de réaliser des études prévisionnelles et des évaluations. Ce ne fut pas le cas.
D’ailleurs le conseiller en gestion d’entreprise a botté en touche quand on lui a posé la question de quel outil il utilisait pour réaliser ses études…
L’expert-comptable nous a vendu des applications de l’IA dans le cadre de ces missions de conseils :
Prise de connaissance des spécificités d’un secteur d’activité (Il est probable qu’on puisse obtenir des informations à ce sujet grâce aux outils populaires tels que ChatGPT et Copilot)
Multiplication des scénarios et simulations d’impacts (L’IA n’est pas censée intervenir sur cette thématique là, dans la mesure où c’est purement calculatoire, donc un bon logiciel devrait en être capable)
Narratif, rédaction des peechs (Effectivement les outils du grand public ont une réelle force sur le plan rédactionnel, pour faire des résumés ou rédiger des paragraphes sur les sujets demandés)
Taux de marge et niveaux de stocks théoriques en fonction du secteur d’activité (La question est et demeure, quelle est la source d’une IA capable de nous fournir ce genre d’informations ? A ce jour, il n’existe pas de base de données exploitable pour recouper les informations et les publier, les entreprises à comparer sont tellement différentes qu’il n’y a pas véritablement de tendance de fonds…)
Mais à ce jour, ce qui a finalement révélé le pot-aux-roses, c’est la question d’un internaute quant à la confidentialité des données.
En effet, l’IA a besoin d’une base de données pour interpréter les données et répondre à nos questions. Les outils tels que ChatGPT et Copilot utilisent le contenu diffusé sur internet. Mais très peu de données relatives aux entreprises filtrent, puisque la plupart des entreprises gardent leurs comptes confidentiels. Si les entreprises acceptaient de diffuser anonymement leurs données comptables, il en serait autrement. Mais ce n’est pas le cas.
Cette présentation qui se voulait rassurante quant à l’avenir du cabinet comptable a finalement eu l’effet inverse, démontrant qu’à ce jour aucune IA ne peut faciliter le travail de conseil qui permettrait la conduite de missions complémentaires auprès des entrepreneurs, mais en plus l’outil d’IA développé par CEGID pourrait tout à fait permettre à des entrepreneurs d’intéragir avec leur comptabilité sans n’avoir aucune notion en comptabilité et sans avoir à maîtriser le logiciel, mettant le comptable sur le banc de touche.
Si vous voulez voir le webinaire, voici le lien :
Visionnez le replay du webinar
